Occitan 2021
Questions aux candidats

Réponses de ROUSSET Alain (Divers Gauche)

Le samedi 29 mai 2021 les représentants locaux du collectif Pour que vivent nos langues à Agen, Bayonne, Béost, Bergerac, Bordeaux, Dax, Limoges, Marmande, Mont-de-Marsan, Nontron, Orthez, Pau, Périgueux, Pujols…, ont organisé des rassemblements suite à la censure partielle de la loi Molac par le Conseil constitutionnel et ont appelé à la modification de l'Article 2 de la Constitution.

À cette occasion nombre d'élus, composant un spectre politique large tant en termes de sensibilités que de mandats, ont pu s'exprimer sur le sujet.

Les élections régionales des 20 et 27 juin sont désormais pour nous l'occasion de donner la parole aux candidats sur la politique linguistique en faveur de l'occitan.

Aussi trouverez-vous ci-dessous un questionnaire en lien avec l'actualité mais également avec la prise de fonction à la Région Nouvelle-Aquitaine à laquelle les candidats aspirent.

Les réponses seront compilées sur ce site, eleccions-64-na.fr, puis communiquées via les réseaux sociaux.

Les membres du collectif Pour que vivent nos langues locaux :

Pour information le questionnaire, argumenté, de la Coordinacion occitana qui interpelle également les candidats en Région Occitanie/Pyrénées-Méditerrannée : Voir le questionnaire.

Les réponses

1. Quel est votre sentiment concernant l'avis du Conseil constitutionnel censurant partiellement la loi Molac sur les langues régionales ?

Le recours devant le conseil constitutionnel par des députés issus de la majorité parlementaire ayant voté le texte de loi constitue un usage inédit de cette procédure, habituellement réservé à l’opposition. Cela a conduit à une situation que nous jugeons ubuesque, puisque c’était au gouvernement de défendre un texte voté par sa majorité mais contesté par…des députés issus de cette même majorité. Notre positionnement est clair: le conseil constitutionnel, en s’auto-saisissant sur l’article concernant l’enseignement immersif, a fait un choix politique que nous contestons. Ce choix d’auto-saisine questionne en effet sur le respect de la représentation démocratique, alors même que les parlementaires avaient adopté la loi et voté favorablement cet article. Par ailleurs, nous pensons que la défiance exprimée par le ministre de l’éducation nationale vis-à-se fonde sur des peurs irrationnelles et une ignorance claire des réalités de cet enseignement mis en oeuvre depuis plus de 50 ans dans notre région. Ses propos sont la marque d’un décalage fort et criant avec la position de la grande majorité des élus locaux et parlementaires - légitimes du point de vue de la représentation démocratique, qui soutiennent cet enseignement et en reconnaissent pleinement les bénéfices. Si le conseil constitutionnel estime que l’enseignement immersif est contraire à la Constitution, alors nous défendons en effet la nécessité de modifier l’article 2 de la Constitution - qui n’est autre qu’un contrat social - afin qu’elle soit en phase avec les réalités territoriales de notre pays. Les candidats de notre liste ont participé aux mobilisations en Béarn et au Pays Basque du 29 mai dernier, à l’appel du collectif Pour que vivent nos langues. Bien avant cela, ceux qui portaient déjà un mandat régional (Frédérique Espagnac, Mathieu Bergé, Charline Claveau, Emilie Dutoya, Andde Sainte-Marie pour n’en citer que quelques-uns) avec des responsabilités au sein d’institutions oeuvrant aux politiques linguistiques, se sont fortement mobilisés pour dénoncer le dépôt de ce recours, et ont oeuvré tout au long du mandat pour se faire l’écho de la politique volontariste d’Alain Rousset en la matière. Néanmoins, le conseil constitutionnel a assorti récemment sa décision d'un commentaire précisant que sa décision ne remettait pas en cause l'enseignement immersif prodigué au sein des réseaux d'écoles associatives. Ce rétropédalage est le bienvenu et nous nous en réjouissons. Nous serons tout de même très attentifs à ce qu'une solution pérenne puisse être trouvée afin de sécuriser le développement d'un enseignement immersif dans les écoles publiques également.

2. Êtes-vous favorable à la modification de l'article 2 de la Constitution ?

Oui, nous le sommes, comme exprimé en réponse à la question précédente.

3. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle de la lanbgue occitane dans la Région Nouvelle-Aquitaine ?

Bien que première langue régionale parlée en Nouvelle-Aquitaine avec un peu plus de 230 000 locuteurs complets (contre 50 000 pour le basque), la langue occitane n'en reste pas moins dans une situation d'urgence absolue, plus que jamais menacée de disparition. Avec 7% de locuteurs, contre 30% nécessaires pour assurer la sauvegarde de la langue, il nous faut continuer à oeuvrer pour intensifier sa transmission. De même, si 43% des néo-aquitains dans les départements occitanophones connaissent la langue et sont capables de dire quelques expressions, il reste la grande majorité à sensibiliser et à familiariser. La dernière enquête sociolinguistique menée par l'OPLO a malgré tout mis à jour quelques sources d'espoirs: d'abord, la grande majorité des habitants sont favorables à la mise en oeuvre d'actions publiques pour la langue, mais également pour la proposition d'un enseignement tout au long de la scolarité. De plus, le département des Pyrénées-Atlantiques est l'un des seuls département qui maintient son niveau de locuteurs comparés à l'enquête réalisée il y a 10 ans: ce département est celui qui concentre le plus grand nombre d'élèves et où l'enseignement bilingue est le plus développé au sein de l'académie. Cela doit nous encourager à poursuivre encore plus vigoureusement le développement de l'offre d'enseignement, mais également l'articulation des politiques linguistiques avec les autres collectivités. Enfin, pour la première fois, nous constatons que les parents et les grand-parents sont plus enclins à transmettre la langue à leur enfant: l'enjeu des représentations est ici également essentiel, afin que cette langue puisse être associée à des représentations encore plus positives dans le coeur des néo-aquitains.

4. Quel horizon voulez-vous lui donner à moyen terme et à la fin du mandat ?

Les dernières études montrent que le nombre de locuteurs ne cessent de chuter. La garantie d'une politique publique efficace en la matière - comme démontré par l'exemple basque - réside dans une articulation des actions des différents niveaux de collectivités et de l'Etat. Or, la langue occitane souffre de l'immense territoire qui est le sien et d'une grande hétérogénéité dans la prise en compte de la nécessité de sa sauvegarde parmi les collectivités. Ainsi, il est difficile d'être prédictif, quantitativement parlant, quant à la reconquête linguistique souhaité, d'autant qu'il serait illusoire que seule la région Nouvelle-Aquitaine peut être "maitre du destin" de cette langue. A la croisée des difficultés que nous connaissons bien vers la reconquête et notre désir que se ravive et soit sauvée cette langue, l'horizon que nous pensons atteignable pour la langue occitane, et pour lequel nous nous battrons, est le suivant: d'ici à la fin du mandat, le constat d'un maintien du nombre de locuteurs en Dordogne, dans les Landes, et en Corrèze; une augmentation de 1 à 2 points en Pyrénées-Atlantiques; une baisse contenue à maximum 1 point dans les autres départements; passer la barre des 60% d'occitan-imprégnés; 30 nouveaux enseignants par an au sein de l'académie de Bordeaux - que ce soit des étudiants admis au CRPE spécial occitan ou des enseignants formés - afin de maintenir l'existant et ouvrir de nouvelles classes bilingues ou immersives; une ouverture par an d'écoles calandreta par département sur l'académie de Bordeaux et de Limoges; au moins trois cursus universitaires complets - Pau, Bordeaux, Limoges - et au moins deux formations initiales Master MEEF au sud et au nord de la région; l'ouverture des premières classes immersives dans le public; l'installation d'une à deux émissions occitanes par semaine au sein des antennes locales concernées dans les programmes de France Télévisions et du réseau France Bleu (dans chaque département occitanophone); la possibilité pour tout habitant de la zone occitanophone néo-aquitaine de pouvoir trouver un cours d'occitan à proximité de chez lui; la présence d'équipes artistiques "d'inspiration traditionnelle" dans la plupart des programmations de festivals de Nouvelle-Aquitaine. Il serait très long de détailler chaque objectif pour chaque segment d'intervention, mais en voici déjà les principaux.

5. Quelles priorités souhaitez-vous donner à la politique linguistique en faveur de l'occitan si vous accédez aux responsabilités de la Région ?

La priorité absolue demeure à nos yeux la transmission de la langue par l'école. Les enjeux sont autant quantitatifs que qualitatifs de ce point de vue. Il s'agit tout d'abord de lever le tout premier obstacle au développement de classes bilingues ou immersives: l'insuffisance d'enseignants. Mais il nous faut également agir sur l'attractivité de cet enseignement et peser sur des décisions qui sont parfois prises au niveau central, au mépris de toute cohérence avec ce qui est développé en régions (comme l'a montré la réforme du lycée et du baccalauréat). Ainsi, l'un des enjeux afin d'influer positivement sur le cadre d'enseignement, sera de renforcer notre capacité d'influence. Nous pensons que cela ne peut se faire sans une coordination avec les autres langues régionales. L'autre priorité sera d'arriver à ce que la feuille de route régionale du plurilinguisme 2021-2024 que nous avons adopté en mars 2021 atteigne son objectif central: faire en sorte que notre politique linguistique irrigue l'ensemble de nos compétences pertinentes, de manière systématique, bien plus que cela n'a été le cas jusqu'à présent. Que ce soit la compétence transport, formation professionnelle, tourisme, communication, vie associative, économie sociale et solidaire entre autres, la priorité sera de faire en sorte que l'ensemble des modes d'intervention régionaux soient en ordre de marche pour intégrer les problématiques propres aux langues et cultures régionales.

6. Quelles actions seront retranscrites concrètement dans votre circonscription ?

La feuille de route que nous avons adopté en mars dernier et dédiée aux langues et cultures régionales listent nos engagements concrets. Elle est à retrouver sur ce lien: https://fr.calameo.com/books/006009271529b9cf28fb3

7. Que ferez-vous concernant l'enseignement ?

Comme précisé plus haut, la première priorité sera de renforcer le vivier enseignant en poussant les rectorats de Limoges et Bordeaux à monter en puissance à nos côtés sur les dispositifs de bourses Ensenhar professeurs et étudiants. Il s'agira de faire en sorte que les enseignants en occitan soient mieux accompagnés (formation, supports pédagogiques, action-recherche didactique du bi-plurilinguisme...). Nous continuerons de soutenir fortement les organisations de premier plan comme le CANOPE Cap'oc, Oc'bi, le réseau calandretas, le CFPOC, l'IEO novelum, etc... La convention ministérielle et les conventions académiques seront renouvelées. Il s'agira de pousser le rectorat à augmenter les moyens dédiés et à intensifier l'effort de communication sur l'enseignement de l'occitan au sein de son administration, et d'intensifier la communication auprès de la communauté éducative en général. Pour agir sur le cadre national, nous intensifierons la collaboration avec les autres offices publics dédiés aux langues régionales et à l'action de l'ARF. Nous tâcherons d'obtenir des moyens spécifiques pour nos académies. Nous serons très attentifs à développer un environnement linguistique de qualité pour les élèves: matériel pédagogique, activités extra-scolaires, actions EAC, supports culturels (productions audiovisuelles, éditions...), accompagnement à la mise en place de programmes du type Erasmus + et projets européens pour la communauté éducative.... Il s'agira également de pousser au maintien et à la réussite du parcours initié à Pau (master MEEF) pour les étudiants se destinant au métier d'enseignants, mais également de monter la même formation initiale en Dordogne pour couvrir le nord de la région.

8. Que ferez-vous concernant les médias ?

Les médias occitans restent un chantier à ouvrir, quoique pour la télévision, nous avons pu mettre en oeuvre et renouveler un contrat d'objectifs et de moyens dédié au service public audiovisuel ambitieux, dont bénéficie Oc Télé mais qui encourage également des co-productions avec France 3 ou TV7. Pour les radios occitane, nous souhaitons pouvoir être accompagnant dans le basculement vers la Radio Numérique Terrestre et continuer à pouvoir participer à l'équipement comme cela a été le cas jusqu'à présent. Au-delà de ces aspects techniques, nous nous proposons d'organiser la concertation afin de définir au plus juste les besoins et la manière d'y répondre ensuite. Enfin, dans le champ de la formation professionnelle, nous avons d'ores et déjà identifié un besoin pour la formation de journalistes et nous entendons y répondre.

9. Que ferez-vous concernant la socialisation de la langue ?

Nos engagements pour la socialisation de la langue sont à retrouver dans la feuille de route du plurilinguisme mentionné précédemment, et qui détaille, entre autres, nos engagements pour le déploiement de signalétique bilingue (signalétique sonore dans les TER, lycées, gares....).

10. Quels seront les engagements financiers pour cette politique linguistique ?

Nous avons déjà augmenté notre engagement financier en faveur de la politique linguistique occitane, avec la montée en puissance de notre outil dédié l'Office public de la langue occitane. La participation à l'OPLO est de 900 000 euros, dont près de 700 000 euros représentent des aides aux opérateurs de la langue occitane. Ce chiffre exclut la mobilisation de nos autres politiques qui servent la politique linguistique telle que la compétence formation professionnelle, le numérique (qui porte le COM TV dont bénéficie Oc Télé pour un montant de 270 000 euros par an), la culture (+ de 650 K euros mobilisés en 2020), etc. Notre objectif sera de maintenir ce niveau d'engagement mais également de l'augmenter via une mobilisation plus accrue de l'ensemble de nos compétences.

11. Quelles relation avec les services de l'Etat, et ses représentants en région comptez-vous mettre en oeuvre ?

Nous entendons poursuivre l'étroite collaboration avec les académies, à travers le cadre conventionnel en place qu'il conviendra de renouveler. De même, dans le cadre du renouvellement du CPER Etat-région, nous avons inscrit un certain nombre d'opérateurs de la langue dans le contrat. Enfin, la relation avec la DRAC mériterait d'être améliorée afin que la collaboration se fasse plus étroite et sur un rythme plus régulier.

12. Comment concevez-vous la répartition des efforts par territoire au sein de notre Région ?

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13. Quelle place pour l'inter-régionalité ?

Nous sommes attachés à l'inter-régionalité pour notre politique linguistique et également culturelle. Aujourd'hui, et demain, notre partenaire historique reste la région Occitanie à travers notre partenariat au sein de l'OPLO ou du CIRDOC-Institut Occitan de culture. Des échanges avec la région Rhône-Alpes-Auvergne et éventuellement Provence-Alpes-Côte d'Azur seront initiés.